
BAYE NDARAW DIOP SOCIOLOGUE SUR LA RECRUDESCENCE DE VIOLENCE
« On constate un dysfonctionnement de la famille, une grande instabilité matrimoniale, une manifestation de la violence conjugale »
La recrudescence de la violence depuis quelque temps, tire son origine du dysfonctionnement de la cellule familiale. C’est du moins l’analyse du sociologue Baye Ndaraw DIOP qui estime que cette situation s’explique par les profondes mutations qui se sont opérées dans les familles.
La violence qui prévaut actuellement au Sénégal ne laisse pas indifférent le sociologue Baye Ndaraw DIOP. Ce dernier explique la situation par les problèmes au sein des familles. « Mon Dieu protège moi de mes amis, mes ennemis, je m’en charge » disait le sage. Pour M. DIOP, l’histoire lui a donné raison.
La famille, instrument privilégié de conditionnement social.
« Chaque jour, les médias nationaux et internationaux relatent des scènes tragiques, dramatiques de violence, d’horreur, d’atrocité dans l’espace familial, institutionnel ou communautaire. Les fondements de la parenté, de l’amour, de l’amitié sont rudement mis à l’épreuve. Le récent drame survenu à Dakar entre des « amis, des complices » en est une parfaite illustration. Seules les conclusions de l’enquête de la police pourront nous édifier sur l’implication des différents protagonistes mais ce qui est sûr et certain, c’est la situation est préoccupante et personne n’est à l’abris », a-t-il averti avant de s’interroger « qu’est ce qui se passe dans notre pays, pourquoi tant de crimes, de méchanceté, d’arrogance, de trahison » ?. Selon lui, le Sénégal a toujours été un pays de référence. « Notre cher pays est le pays de la Téranga, le pays des grands guides religieux, havre de paix avait une bonne réputation par-delà le monde. Notre société est inédite. Elle est à la fois traditionnelle et moderne, féodale et capitaliste, chrétienne, islamique et laïque. La famille était un instrument privilégié de conditionnement social. Cette famille, école de moralité, de compétences de vie se posait comme une communauté affective, spirituelle, intégrale », a-t-il dit. Signalant que « l’expérience familiale comportait des valeurs tels que l’honneur, le courage, le dévouement, l’estime de soi, l’esprit de sacrifice, l’amour de la vie ».
« NOUS NOTONS UN ENCADREMENT INSUFFISANT DES ENFANTS PAR LES PARENTS, DES CONFLITS ENTRE PARENTS IMMATURES, LA DROGUE… »
Poursuivant, il révèle que de profondes mutations se sont opérées. « On note cependant que la mondialisation de et les changements de tout ordre ont beaucoup affecté la famille, base de la société. On constate un dysfonctionnement de la famille, une grande instabilité matrimoniale, une manifestation de la violence conjugale, de la souffrance dans le cercle familial et dans la société tout entière. Ainsi, toutes les conditions favorisant le passage à l’acte sont réunies dans les zones urbaines », a encore fait savoir l’enseignant chercheur à l’Université Kocc-Barma. Selon lui, les agressions mortelles ou non ont beaucoup contribué à l’ampleur de la peur ambiante dans le pays. « Les jeunes sont violents, surtout quand ils sont en bande, commettent fréquemment des agressions, des brimades, des harcèlements dans tous les espaces où ils évoluent », a-t-il soutenu. Pour l’ancien coordonnateur régional du service de l’Action éducative en Milieu ouvert (Aemo), les causes de cette violence des jeunes surtout en milieu urbain sont énormes. « Aujourd’hui, nous notons dans notre société un encadrement insuffisant des enfants par les parents, une éducation rythmée par des châtiments corporels durs pour assurer la discipline. Pis, des conflits entre parents pendant la petite enfance foisonnent partout. Des parents immatures surtout quand la mère a eu son premier enfant trop jeune. Un attachement insuffisant entre parents et enfants est constaté. La situation s’envenime chez les jeunes avec la fréquentation de camarades délinquants », a révélé M Diop. Pour lui, des facteurs socio-économiques faibles sont dénombrés « Il y a entre autres la faiblesse et le relâchement des liens sociaux, l’inégalité des revenus, la violence politique, l’usage de la drogue, l’évolution rapide de la démographie A cela s’ajoutent les cultures qui ne proposent aucune solution non violente pour résoudre les conflits », a encore signalé le sociologue.
LA RECETTE DU SOCIOLOGUE POUR INVERSER LA TENDANCE
Pour amoindrir les risques de violence chez les jeunes, Baye Ndaraw DIOP pense qu’il faut tout simplement varier les approches pour prendre en charge correctement les comportements violents des jeunes. « Il faut aider les enfants à développer des compétences sociales leur permettant de mieux affronter les défis du moment. Le système éducatif doit être renforcé. Mieux, des actions politiques doivent être développées pour mieux atténuer les changements rapides de la société et surtout veiller à contrôler la circulation des armes et des réseaux sociaux, réseaux de drogue. Les autorités doivent sécuriser le pays afin de freiner l’accès à la drogue chez les jeunes. Les victimes doivent faire l’objet d’un suivi médical et d’un accompagnement psycho-social par les travailleurs sociaux », a-t-il préconisé. Pour lui, il urge « de définir les rôles à jouer dans les films car ils ont une influence sur les jeunes».