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Faites connaissance avec Abib NDIAYE, Président de la Fédération sénégalaise des Travailleurs sociaux (FSTS)

Faites connaissance avec Abib NDIAYE, Président de la Fédération sénégalaise des Travailleurs sociaux (FSTS)

« Nos rares satisfactions en termes de valorisation professionnelle, nous les devons au secteur privé des ONG et aux organismes internationaux »

Pour une mise en œuvre efficace des politiques de protection sociale et d’accompagnement des communautés vers la résilience,  les Travailleurs sociaux devraient être davantage responsabilisés et les divers profils évoluant dans différents cadres institutionnels mieux valorisés. C’est la forte conviction de M. Abib NDIAYE, président  de la Fédération sénégalaise des Travailleurs sociaux (FITS) non moins vice-président de la zone Afrique. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, cet enseignant-chercheur qui a blanchi sous le harnais des interventions visant à assurer une meilleure intégration des membres de la collectivité au sein de la société, revient également sur les ambitions de la FITS avant d’aborder les  préparatifs de  la Conférence biennale de la Région Afrique sur le Travail social que Dakar abritera au mois de novembre 2025. 

Interview

Pouvez-vous vous présenter à  nos lecteurs ?

Je m’appelle Abib NDIAYE. Je suis Assistant social de formation et Psychologue-Psychothérapeute, membre fondateur et premier Secrétaire général du Syndicat national des Travailleurs sociaux du Sénégal(SNTS). Depuis janvier 2022, je préside la Fédération sénégalaise des Travailleurs sociaux (FSTS) et  suis aussi Vice-Président de la Fédération internationale des Travailleurs sociaux (FITS) pour la Région Afrique depuis juillet 2024.

Comment  s’est passée  votre enfance ?

J’ai passé mon enfance à Kaolack, entouré de mes parents et ma tendre fratrie augmentée de cousins, de tantes et d’oncles. Une enfance dans un cadre familial stable et aimant, avec des références symboliques fortes incarnées principalement par mes parents et mes oncles qui ont beaucoup marqué mon enfance. Comme nombre de mes pairs du même âge, j’ai fait l’école coranique et le cycle élémentaire dans le paisible quartier des HLM Bongré. J’ai aussi pratiqué du sport (lutte gréco-romaine, basket, volley, handball) et le scoutisme pendant plusieurs années.

Qu’est-ce qui vous a motivé à poursuivre des études en sciences sociales ?

Mes premiers pas dans ce domaine remontent à 1994. Mais il est utile de rappeler le contexte. Après avoir essuyé en 1988 l’année invalide à la  suite aux troubles post électoraux, j’arrive à Dakar en 1992, baccalauréat en poche, la tête pleine d’ambitions pour les études universitaires. Coup du sort, le séjour a été très difficile à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. L’année 1992-1993 a aussi connu des troubles sociopolitiques qui ont profondément impacté l’université et conduit à une  année dite « blanche ».

Ce fut un choc psychologique, pour ne pas dire un traumatisme, pour nombre d’étudiants d’alors. L’année suivante, les examens organisés en session unique n’ont pas été concluants, ce qui m’avait beaucoup affecté, car n’ayant jamais connu auparavant d’échec scolaire dans mon cursus. Donc, c’est sur un coup de tête que j’ai fait le concours d’entrée à l’Ecole nationale de développement sanitaire social (ENDSS) de Dakar, car c’est par hasard que j’ai vu l’avis de concours dans les journaux et j’ai déposé mon dossier. Ainsi, j’ai suivi le cycle du « Diplôme d’Etat d’Aide social ». C’est durant la première année de formation que j’ai aimé le métier et je suis sorti major de la promotion 1997. J’ai été en activité pendant six ans entre Dakar, Saint-Louis et Podor. Et comme le dit une maxime populaire, l’appétit vient en mangeant. En 2004, j’ai réussi au concours professionnel pour le Diplôme d’Etat d’Assistant social et j’ai bouclé cette formation comme major de la promotion 2007. Cela a été un déclic fort dans ma carrière, car j’avais la certitude que les principes, les valeurs et les modes d’actions du Travail social sont parfaitement en phase avec mes valeurs personnelles et ma vision du Monde. C’est ce qui a motivé les études universitaires et les autres certifications en lien avec le champ social qui ont renforcé mes compétences professionnelles. Aujourd’hui, en analysant les choses a posteriori, je peux affirmer que les études en sciences sociales sont la suite logique de mon parcours de vie. Je ne sais pas ce que je serais devenu hors de cette belle corporation. Peut-être enseignant, un métier dont je rêvais très jeune.

Qu’est-ce qui  vous a marqué dans la profession de Travailleur social ?

J’ai d’abord été marqué par le sens de l’humain, la disponibilité d’écoute et la vision positive et encourageante de mes premiers formateurs à l’ENDSS. Sur fond de rigueur professionnelle, ils ont su forger en nous le professionnel que nous sommes devenu, sans briser nos fougueuses âmes de jeunes « un peu agités » (rires). C’est le lieu de leur rendre hommage, au passage, Messieurs Amadou SY, Michel SAGNA, feus Oumar DIA, Fatou NDIAYE et Ousmane BASSENE, et toutes les personnes auprès de qui nous avons beaucoup appris. La deuxième empreinte majeure a été imprimée par mon amour pour les sciences sociales, encouragé en cela par des enseignements de qualité. Nos cours de Méthodologie d’intervention en Travail social, de sociologie, de psychologie sociale ou de Droit du Travail étaient des moments forts d’effervescence intellectuelle. Les stages en institution, de même qu’au sein des communautés urbaines et en milieu rural sont venus « recadrer » et enrichir toute cette masse de connaissances et d’habiletés pour nous aider à construire un socle solide de compétences professionnelles. Un autre aspect très important : la profession de Travailleur social m’a conduit en divers lieux et m’a mis au contact de personnes formidables auprès de qui j’ai énormément appris. Chaque personne que l’on croise, chaque situation d’intervention est un moment d’apprentissage qui laisse en nous quelque chose d’utile.

Vous êtes le président de la Fédération sénégalaise des Travailleurs sociaux (FSTS), pouvez-vous la présenter ?

La Fédération sénégalaise des Travailleurs sociaux (FSTS) est née le 20 novembre 2020 à Dakar pour matérialiser l’engagement des professionnels sénégalais dans une dynamique d’ensemble afin de mieux rendre visible le Travail social. Notre ambition est de valoriser les divers profils évoluant dans différents cadres institutionnels, pour le bénéfice des personnes et des communautés qui sollicitent nos services.  La Fédération compte à ce jour huit (08) associations : Rassemblement des Travailleurs sociaux spécialisés (RTSS), Syndicat national des Travailleurs de l’Education surveillée (SYNTES/Justice), Amicale des Conseillers en Travail social (ACTS),  Marple Afrique Solidarité, Association sénégalaise de Médiation (ASM),  Union nationale des Assistants et Aides sociaux du Sénégal (UNAAS),  Syndicat national des Travailleurs sociaux du Sénégal (SNTS)  et Collectif des Aides sociaux du Sénégal (CASS).

Cette structure faîtière joue un rôle crucial dans le soutien et la défense des droits des travailleurs sociaux aux côtés du Syndicat national des Travailleurs sociaux (SNTS), tout en veillant à ce que les besoins des populations vulnérables soient efficacement pris en compte dans les politiques publiques. La FSTS est affiliée depuis 2022 à la Fédération internationale des Travailleurs sociaux (FITS). Permettez-moi de saisir l’occasion pour lancer un appel solennel et confraternel à toutes les autres associations pour rejoindre la Fédération et apporter leur précieuse contribution au rayonnement de la corporation.

Que représente réellement le Travailleur social au Sénégal ?

Je dois avouer que le Travailleur social est un acteur professionnel incontournable pour l’efficacité de mise en œuvre des politiques de protection sociale et d’accompagnement des communautés vers la résilience. Mais le paradoxe, c’est que quelque incontournable qu’il soit, il est toujours contourné par les décideurs politiques depuis plus de cinq décennies dans la responsabilisation sur les domaines d’action relevant de son expertise. Nous venons d’enregistrer, récemment, quelques signaux encourageants à ce propos. Nous espérons que la dynamique sera poursuivie pour rendre aux travailleurs sociaux ce qui leur revient afin de permettre à notre pays de bénéficier réellement de l’expertise de ce corps encore largement méconnu et sous-estimé. Le Travailleur social est un atout technique et politique pour tout gouvernant qui sait bien le positionner et l’outiller. Le Travailleur social est un médiateur pour la réconciliation entre les communautés et la gouvernance de la chose publique, un acteur de changement qualitatif dans la vie des personnes et des groupes, un « porteur d’eau » pour impulser, animer, accompagner et renforcer les dynamiques de transformations sociales souhaitées en perspective d’un développement social et économique « à visage humain ».  Pour les acteurs de la société civile et certains organismes communautaires qui connaissent sa valeur professionnelle, avoir un travailleur social dans son staff de direction ou parmi les équipes d’intervention à la base, est toujours source de satisfaction et de performance.

Quelle place occupe le travailleur social dans le pays ?

Je ne dirais « pas encore comme il se doit ». Il est désolant de constater que, dans le secteur public, les travailleurs sociaux ont longtemps été relégués au second plan. Ce n’est que récemment, comme je l’ai dit tantôt, qu’il y a eu des nominations de travailleurs sociaux unanimement magnifiées. Mais, force est de constater que nos rares satisfactions en termes de valorisation professionnelle, nous les devons au secteur privé des ONG et aux organismes internationaux. Dans ces organisations, vous trouverez des travailleurs sociaux, à des positions stratégiques de responsabilité, pleinement valorisés et outillés. Ils y abattent un excellent travail reconnu de tous. Certes, leur profil professionnel peut évoluer pour leur faire acquérir d’autres titres et grades, mais cela, ils le doivent principalement au socle de compétences en Travail social qui a été le moteur de leur ascension. Ils sont nos « champions » et servent de référence pour motiver les jeunes générations.

Vous venez d’intégrer le cercle restreint de la FITS composée seulement de 14 membres à travers le monde, suite à votre élection au poste de Vice-Président Région Afrique, comment s’est déroulée votre désignation ?

C’est une élection en ligne sur la plateforme de la Fédération internationale des Travailleurs sociaux (FITS) qui a mobilisé les délégués des pays membres de la Région Afrique. Le poste de Vice-Président était vacant depuis plus d’une année et devait être pourvu lors de la dernière Conférence mondiale tenue à Panama City les 1er et 2 Avril 2024. Ă l’annonce de l’ouverture du poste, le Bureau de la Fédération sénégalaise des Travailleurs sociaux (FSTS) a proposé ma candidature qui, après revue par le comité électoral mondial, a été acceptée. C’est avec le soutien et la confiance de mes pairs d’Afrique que j’ai été élu le 24 juillet dernier face à un autre candidat. Permettez-moi, avant de continuer, de remercier les braves dames et hommes qui tiennent les voiles de la FSTS et d’exprimer aussi ma gratitude aux collègues africains de tous bords.

Quelles  sont  vos missions  et  comment comptez-vous vous y prendre pour les réaliser, à travers le continent ?

Permettez-moi de rappeler que les fonctions de membre du bureau régional et/ou du bureau mondial de la FITS sont assumées sur la base du volontariat. Cela veut dire que seul un engagement fort et un leadership pleinement assumé permettent de mener à bien les missions qui nous sont assignées. Et à ce propos, il s’agit pour nous d’apporter notre contribution à l’avancement de la profession de travailleur social dans notre région. Mon mandat qui court jusqu’en 2026, est placé sous le sceau de la promotion des valeurs, des missions et des objectifs de la FITS à travers une communication inclusive et un plaidoyer à tous les niveaux qui garantissent le respect de l’éthique, de la diversité et du travail d’équipe. Le plan stratégique, en cours de validation interne au niveau du bureau de la Région Afrique, prévoit des activités inclusives en matière de plaidoyer, de recrutement de nouveaux pays membres, de renforcement des capacités des associations membres, de partages d’expériences et d’échanges de bonnes pratiques à travers le continent. Des partenariats sont déjà engagés avec des acteurs majeurs du champ social pour accompagner cette dynamique afin d’insuffler un nouveau souffle à la FITS Afrique.

Le Sénégal va accueillir en Novembre 2025, la Conférence biennale de la Région Afrique sur le Travail social. Pourquoi le choix du Sénégal et où en êtes-vous avec les préparatifs?

Effectivement, après Lagos en 2023, la région Afrique de la FITS organisera sa prochaine conférence biennale à Dakar en Novembre 2025, et cela pour la première fois dans un pays francophone. Le thème principal est : « Le Travail social face aux défis de la cohésion sociale et du développement durable en Afrique ». Dakar 2025 explorera le rôle crucial du Travail social dans la prévention et la résolution des conflits à travers l’Afrique, en examinant les perspectives des praticiens travaillant dans les domaines du développement, de la réponse aux urgences et de la consolidation de la paix. Une attention particulière sera accordée au nexus «femmes, paix et la sécurité », pour démontrer l’impact du Travail social dans le traitement des conflits et des urgences, contribuant ainsi au développement durable et à la cohésion sociale sur tout le continent. D’autres thématiques seront abordées, notamment la protection sociale de groupes vulnérables, la lutte contre les violences et la discrimination, les cadres juridiques et réglementaires, les pratiques éthiques, les conditions de travail des professionnels du secteur, etc. Concernant les préparatifs, le Comité d’organisation a été installé lors de la réunion du Comité directeur tenue le 11 août 2024 à Saly et les différentes commissions techniques positionnées. Le Plan d’actions a été validé. Les associations de travailleurs sociaux mobilisent actuellement leurs membres. Des points focaux par région et par département sont en train d’être cooptés. Nos réseaux de partenariats sont activés pour soutenir la dynamique en perspective de novembre 2025. Nous entendons relever les défis de l’organisation et de la participation. Le Sénégal sera durant cette période la capitale africaine du travail social ouverte sur le monde.

Qu’attendez-vous des autorités pour la réussite de cet événement ?

La conférence biennale sur le Travail social est un événement international à double portée : scientifique et symbolique. Pour notre pays, c’est une occasion d’affirmer notre ambition et notre engagement à donner au Travail social la place qui lui sied dans la gestion des affaires publiques. Il est attendu des autorités une facilitation dans les domaines administratif et diplomatique pour l’accueil et le séjour de nos collègues d’Afrique et du monde, un appui financier conséquent pour couvrir les charges de l’organisation matérielle de la conférence et un soutien politique fort à travers un haut niveau de représentation lors de la conférence.  Le succès de cette conférence nécessite des moyens, la Fédération est jeune et dynamique, et avec le soutien de l’Etat, nous allons relever le défi de l’organisation et de la participation, comme je l’ai dit plus haut. Dans cette perspective, nous tendons la main à tous les acteurs de développement pour soutenir la Fédération sénégalaise des Travailleurs sociaux (FSTS) et faire de cet événement un succès retentissant.

Entretien réalisé par la rédaction

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