Trois questions à Fara Ndiaye président du Conseil régional de la Jeunesse de Saint-Louis « Si nous investissons dans la modernisation et la rentabilité de l’agriculture, nous pourrons retenir notre jeunesse »

Le programme-pilote de «migration circulaire» initié par l’Espagne qui cherche des travailleurs agricoles pour des missions de cueillette et de conditionnement de fruits, ne laisse pas indifférent Fara Ndiaye. Le président du Conseil régional de la Jeunesse (Crj) de Saint-Louis, spécialiste de la politique de jeunesse, dans l’entretien qu’il a accordé à la rédaction de Saintlouisnews, il a signalé que l’émigration circulaire « traduit une quête légitime d’opportunités et d’amélioration de leurs conditions de vie des jeunes » avant de préconiser la tenue des « Assises nationales sur la jeunesse« .
Émigration circulaire, plusieurs centaines de jeunes ont pris d’assaut les Baos pour s’inscrire, quelle appréciation en faites-vous ?
L’affluence massive des jeunes pour l’émigration circulaire traduit une quête légitime d’opportunités et d’amélioration de leurs conditions de vie. Ce phénomène met toutefois en lumière les défis persistants liés à l’accès à l’emploi et aux opportunités économiques dans notre pays. Cela démontre également que notre jeunesse est prête à travailler dur, mais aspire à des cadres de travail mieux organisés, plus valorisants et économiquement viables. Si l’émigration circulaire, lorsqu’elle est bien encadrée, peut offrir une expérience enrichissante et des revenus pour les jeunes, il est essentiel de réfléchir à des solutions durables.
Pour cela, j’invite l’État du Sénégal, les collectivités territoriales, et les partenaires techniques et financiers à organiser des Assises Nationales sur la Jeunesse, où tous les acteurs pourront échanger sur les politiques publiques nécessaires pour offrir aux jeunes des opportunités économiques dignes ici, au Sénégal. Cela inclut la création d’emplois décents, mais également des mécanismes permettant de valoriser les ressources locales et de renforcer l’attractivité des activités agricoles, artisanales, ou industrielles.
Pourtant ces candidats qui refusent de cultiver au Sénégal, acceptent de le faire en Espagne, ce n’est pas une honte ?
Ce n’est pas une question de honte, mais de conditions structurelles et de valorisation des métiers. Lorsque les jeunes choisissent de cultiver en Espagne plutôt qu’au Sénégal, cela ne signifie pas qu’ils méprisent l’agriculture locale. Cela révèle plutôt les défis liés à l’accès à la terre, aux intrants agricoles, et à des mécanismes de production modernes et compétitifs. Au Sénégal, les jeunes font souvent face à des obstacles majeurs : difficulté d’accès au foncier, absence de mécanisation, faibles revenus, et manque de structuration des filières agricoles.
Ceci doit être un signal d’alarme pour transformer notre modèle. L’agriculture doit être perçue comme un secteur stratégique, moderne, et générateur de richesses. Cela passe par une réforme ambitieuse pour faciliter l’accès des jeunes à la terre et aux facteurs de production, tels que les équipements, le financement et les marchés. Si nous investissons dans la modernisation et la rentabilité de l’agriculture, nous pourrons retenir notre jeunesse sur nos terres et en faire des acteurs du développement durable.
Cette émigration circulaire permet-elle d’assurer l’emploi des jeunes ?
L’émigration circulaire peut constituer une solution partielle et ponctuelle pour répondre au chômage des jeunes, mais elle n’est pas une réponse structurelle. Elle offre des opportunités temporaires et des revenus immédiats, mais ne règle pas les défis profonds liés à l’emploi au Sénégal, tels que l’inadéquation entre les formations et les besoins du marché, le faible accès à la terre pour les jeunes agriculteurs, et le manque d’infrastructures pour soutenir les secteurs porteurs.
Il est donc essentiel d’adopter une approche stratégique à long terme, en axant nos efforts sur des réformes profondes et inclusives. Ces réformes doivent garantir aux jeunes :Un accès équitable à la terre et aux ressources de production.
Des opportunités de formation technique et professionnelle adaptées aux besoins des secteurs porteurs.
Des mécanismes de financement incitatifs pour les jeunes entrepreneurs.
C’est pourquoi je lance un appel à l’État pour organiser des Assises Nationales sur la Jeunesse, afin de rassembler tous les acteurs autour d’une vision commune pour l’avenir de notre jeunesse. Cette démarche permettra de co-construire des solutions durables pour transformer les défis actuels en opportunités et renforcer la confiance des jeunes dans le potentiel de notre pays.
Avec des efforts conjugués, nous pouvons créer un environnement où nos jeunes n’auront plus besoin de chercher des opportunités ailleurs, car ils trouveront chez eux les conditions nécessaires pour réussir et contribuer pleinement au développement de notre nation.
Entretien réalisé par la rédaction